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on May 30, 2007 at 2:19:55 pm
 

( Mise à jour : 29 mai 2007 )

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Extraits d'un entretien accordé au Monde dont nous cherchons la référence et le nom du journaliste :

 

« Un roman ça commence par le bruit d'une porte qui s'ouvre ou qui se ferme. Il ne doit pas y avoir d'exposition. C'est pour Balzac les expositions. Je débute par le geste d'un personnage, un geste qui me surprend. L'important, surtout c'est la scène capitale, le centre invisible qui attire l'esprit quand il s'éloigne. Même dans ce qui n'est pas un roman comme la Joie de cette vie. Le centre, c'est l'hôtel abandonné. Je vivais dans un hôtel qui allait fermer. J'étais le dernier client. L'automne finissait, il y avait une tempête et j'étais seul. Je me disais que je trouverais là des idées qui seraient mon secret. Mais je ne les ai pas trouvées. / Ça donnera peut-être un roman ? / Non, ce n'est guère possible. C'était une idée trop bizarre sur l'instant. Le monde se réduit pour nous à un instant, à ce que nous en percevons. Le mot allemand Augenblick me paraît plus expressif : le temps d'un coup d'oeil. » Puis ceci, plus loin : « Baudelaire pense que la fin du monde a eu lieu mais que nous ne nous en sommes pas aperçus. C'est peut-être vrai. Qu'est-ce que c'est, exister ? Nous sommes des ombres et parfois des ombres chinoises. »

 

 

 

Une lettre rare de Henri Thomas, qui fut une première fois publiée, en 1994, dans la revue désormais introuvable, ****Le Migrateur****, ( Directeur : Frédéric Mangin ), nous est donnée à lire grâce à Daniel Aranjo que nous remercions vivement. Dans le dossier Thomas-Supervielle qu'il dirigea ( et dont plusieurs extraits sont présentés dans notre rubrique Témoignages ), il présentait cette lettre ainsi :

 

ENTRE LONDRES ET CARGESE

 

 

Henri Thomas va publier La Nuit de Londres (1956) et, alors que l'automne corse n'est pas entamé (nous ne sommes que le 18 septembre), avec la sensibilité de médium ou de puisatier qui est la sienne - rien qu'à un frémissement de branche ou de brindille en sa fourche - rien qu'à l'air malade qui frappe déjà autour de lui - au cœur du plus précaire campement - il sent toute la menace et de l'automne et, avec l'automne, de l'Hiver qui déjà fond. Terrible hiver d'Europe 1956 ! L'hiver du Promontoire. Les fantômes qu'il n'a pu mettre dans La Nuit de Londres, l'hiver, la solitude morte et mortuaire de l'Hiver les lui fera glisser dans le pré-roman à venir.

C'était début mars 1992. Je venais de trouver sur les Quais Le Promontoire en édition originale. Je l'amène à Henri Thomas, qui me le dédicace (en faisant une erreur de date : il met "le 11 mars 1992" mais nous n'étions que le 9). "Vous aimez ce livre ? me fait-il. Il n'y a que de la mort là-dedans, du début à la fin. “Tu as une drôle de façon de te débarrasser de ta femme”, me reprocha la mienne à la lecture du livre. Et elle devait bientôt mourir."

C'est vrai : Le Promontoire paraît en 1961, et Jacqueline meurt à l'Hôtel-Dieu de Rennes en 1965. Et qu'écrivait Henri dans sa clinique du XIVe un mercredi de décembre 1992, juste à l'époque où nous lui remettions le Prix Supervielle ? "Quand tu es morte j'ai eu le temps de penser : / O ces hommes noirs qui vont te lever ( ...) / Jacqueline je ne t'entends plus, on t'a mise / Dans la terre, et je pense à notre fille / Qui a dix ans (...) / Dis-moi ? Dans l'infini nous sommes nécessaires !". Et un peu plus tard, sur un thème littéralement supervillien : "O mon âme, sans toi, que vais-je devenir ? / (...) les plats que nous mangions avaient le goût du temps." (3 juillet 1993).

Tout semble avoir été suprêmement libre, suprêmement précaire en cette vie. Henri Thomas la perd à des traductions, comme le narrateur du Promontoire à celle de brochures commerciales. Recherche de quelque emploi - ici, l'UNESCO, à travers Supervielle. Mais qu'eût donné l'UNESCO, pour le Migrateur ? A peu près la même chose que la BBC ou Brandeis University.

"J'espère que votre séjour dans le Béarn fut très heureux ; ce doit être une terre à images, avec plusieurs horizons." J'ai parlé du sourcier Henri Thomas. Il ne fut jamais au Béarn. Mais nul n'a jamais mieux défini tout le pan, et les pans, de la littérature béarnaise. Tous les pans de couleur, de nuance exacte et de hauteur, jusqu'aux gouffres d'altitude de la Pierre depuis les pré-Pyrénées et l'Oloron-Sainte-Marie de Supervielle.

Affection ; pudeur ; religion du Langage - fourvoyé à travers le souci de la présente pauvreté - si cette quasi-misère n'était son gîte même : et sa " liberté libre" (Rimbaud).

 

Daniel Aranjo

************************************

 

Lettre de Henri Thomas à Jules Supervielle :

Cargese CORSE

18 septembre 1956

 

Cher Jules Supervielle

 

Je ne m'apprête pas à vous écrire une lettre très heureuse, et j'ai un peu honte d'user du langage - et avec vous ! - pour exposer des tracas personnels. Il est vrai que ces tracas sont tels que je me demande si l'existence sera tenable longtemps dans ces conditions. Il y a un peu plus d'un an que j'ai quitté l'Angleterre afin de me racclimater dans ma patrie ; Londres rendait Jacqueline assez malade, et m'était fort nuisible aussi. Depuis ce retour, je ne peux dire que je n'ai pas travaillé, mais presque tout ce que j'ai fait (un livre) était sans portée pratique. Les traductions sont payées, mais le rapport entre le salaire et le temps employé est ridicule, quasiment inavouable. Le premier hiver fut dur ; le deuxième, avec l'automne, m'apparaît déjà angoissant. Un campement d'où on ne peut plus bouger et qu'on ne peut améliorer, telle est la place où nous sommes, et où Jacqueline redevient malade, se fatiguant beaucoup. Cherchant une issue à cette anxiété, je me suis souvenu que nous avions parlé, jadis à Cabris, de possibilités de travail qu'offriraient l'UNESCO ou des organisations analogues. Pensez-vous que, ayant beaucoup pratiqué la traduction de l'anglais à la BBC, je pourrais trouver à m'employer à ce titre ? S'il existait quelqu'un avec qui entrer en relation à ce sujet, je m'empresserais de le faire. Combien je m'accuse de vous importuner de ces questions...

J'espère que votre séjour dans le Béarn fut très heureux ; ce doit être une terre à images, avec plusieurs horizons.

Comme je ne saurais me rendre à Paris pour le service de presse de la Nuit de Londres, c'est d'ici que je vous enverrai ce livre ; je souhaiterais qu'il soit bien meilleur, mais voici qu'il est trop tard pour y introduire quelques fantômes qui me sont venus depuis lors.

Je vous demande de croire, cher Jules Supervielle, à toute mon affection, et à notre fidèle souvenir, Jacqueline et moi.

 

Henri Thomas

 

(coll. Mme Denise Bertaux-Supervielle).

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